Portraits de femmes engagées pour la nature : Destinée & Josiane, voix de la régulation au Parc de Conkouati-Douli
Au cœur du Parc National de Conkouati-Douli, deux femmes inspirantes incarnent la force, le courage et la passion de la conservation : Destinée Tchikaya et Josiane Loemba. Toutes deux engagées dans l’équipe de régulation, elles visitent les villages, transmettent les règles de protection de la nature et tissent le lien entre le Parc et les communautés locales.
English version below
Entretien croisé – Destinée Tchikaya et Josiane Loemba, deux voix pour la conservation
En quoi consiste votre rôle au sein du Parc National de Conkouati-Douli ?
Notre mission principale est la sensibilisation des communautés locales aux règles de conservation en vigueur, en nous appuyant notamment sur la loi 37 du 28 novembre 2008. Nous expliquons les interdictions, les sanctions liées au braconnage, à la pêche illégale, à la pose de câbles ou de pièges, et plus généralement, les bonnes pratiques à adopter pour protéger l’environnement.
Comment organisez-vous vos missions de régulation dans les villages environnants ?
Nous débutons toujours par une rencontre avec le chef de village, afin de présenter notre programme et fixer une date pour la rencontre. Nous organisons ensuite la logistique, notamment le logement sur place si besoin, puis nous rassemblons les villageois pour une séance collective, souvent illustrée par des documents pédagogiques et des explications simples mais précises.
Quelles sont les infractions les plus fréquemment rencontrées dans le parc ?
Les plus courantes sont la vente illégale de viande de brousse, y compris d’espèces partiellement protégées, la pénétration non autorisée dans le parc, la pose de pièges ou câbles, ainsi que les feux de brousse. Ces actes sont souvent liés à une méconnaissance des lois, d’où l’importance de notre rôle.
Quelles méthodes ou outils utilisez-vous pour sensibiliser efficacement la population ?
Nous utilisons principalement la loi 37, que nous traduisons en termes simples et concrets. Lorsque nous en avons les moyens, nous aimons utiliser des supports visuels pour illustrer nos propos. L’objectif est de dialoguer avec les populations, de répondre à leurs questions, et surtout de faire passer le message avec clarté, en s’adaptant à leur langue et leur réalité.
Quelles compétences spécifiques sont nécessaires pour exercer votre métier ?
Il faut avant tout une bonne connaissance de la loi, mais aussi des langues locales comme le vili, le loumbou, le kikongo ou le français. Être capable de communiquer avec pédagogie, d’écouter les communautés, de gérer les conflits avec diplomatie et d’avoir l’art de convaincre sont des qualités clés. La résistance physique et mentale est également importante pour faire face aux réalités du terrain.
Comment collaborez-vous avec d’autres équipes du parc (surveillance, recherche, etc.) ?
La collaboration se fait de manière complémentaire. Lorsque nous sommes confrontées à des questions techniques ou scientifiques dépassant notre domaine, nous transmettons ces préoccupations aux équipes compétentes (recherche, surveillance...). Même si nous ne sommes pas toujours ensemble sur le terrain, il y a un travail de relais et de coordination.
Qu’est-ce qui vous a motivée à devenir ranger ?
L'amour de la nature était notre principale motivation. Enfants, voir passer les écogardes nous fascinait et nous faisait rêver de ce métier. Originaires des villages du parc, nous connaissions peu les espèces protégées, et ce travail nous a permis d'en apprendre davantage et de contribuer à la protection de ce patrimoine unique. Ce travail de régulaion nous permet également de faire le lien entre les communautés et la conservation.
Quels défis avez-vous dû surmonter pour intégrer cette profession traditionnellement masculine ?
Les débuts ont été rudes. Il a fallu prouver notre valeur, physiquement et mentalement. Marcher de longues heures dans des conditions difficiles, porter des charges lourdes, fouiller des véhicules, affronter des regards sceptiques… Il fallait gagner le respect, faire preuve de patience et de ténacité. La formation a été essentielle pour tenir bon. Aujourd’hui, nous avons su démontrer que la protection de la nature n’a pas de genre.
Comment vos familles et vos proches perçoivent-ils votre engagement dans la protection de la nature ?
Ce n’est pas toujours facile. Pour nos proches, ce métier est parfois vu comme un frein aux activités traditionnelles, comme la chasse ou le commerce. Il y a eu des incompréhensions, des critiques. En tant que mères, il a aussi fallu convaincre nos familles que nous pouvions assumer ce rôle, malgré les absences. Mais aujourd’hui, la fierté a pris le dessus, surtout auprès de nos enfants
Qu’est-ce qui vous rend la plus fière dans votre parcours professionnel ?
Ce qui nous rend fières, c’est de protéger les animaux, de lutter contre le braconnage, de saisir des pièges et de contribuer à la préservation de la biodiversité. Lorsqu’une sensibilisation change les mentalités, lorsque des animaux sont sauvés, nous savons que notre travail a du sens. Nous sommes aussi fières de porter la voix des femmes dans un domaine longtemps masculin.
Quels conseils donneriez-vous à d'autres jeunes femmes qui aimeraient s'engager dans la conservation ?
N’ayez pas peur. Ce métier demande du courage, mais c’est un métier passionnant. Il faut avoir l’amour de la nature, accepter les formations exigeantes, et croire en ses capacités. Ce n’est pas un travail pour l’argent, mais pour un idéal. Si vous avez cette passion, vous trouverez votre place, comme nous.
Quelles qualités personnelles trouvez-vous essentielles dans ce métier ?
Il faut être courageuse, disciplinée, respectueuse des règles, avoir un esprit d’écoute et une bonne capacité d’adaptation. La patience, la résistance au stress et l’honnêteté sont également cruciales, surtout sur le terrain, où les situations peuvent être délicates.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux générations futures concernant la protection des forêts et de la faune sauvage ?
La nature est notre avenir. Évitez les pièges, les câbles, les feux de brousse, et protégez les mangroves, refuges de nombreuses espèces. N’oubliez pas que les arbres nous donnent l’oxygène, et que la conservation permet de léguer un monde vivant aux générations futures. Il est temps d’agir, ensemble.

Portraits of women committed to nature: Destinée & Josiane, voice of regulation in the Conkouati-Douli National Park
In the heart of Conkouati-Douli National Park, two inspiring women embody the strength, courage, and passion of conservation: Destinée Tchikaya and Josiane Loemba. Both are part of the regulation team, traveling through villages, communicating the rules of nature protection, and building bridges between the Park and local communities.
Maryleine Louemba, marketing and communications assistant, Destinée Tchikaya and Josiane Loemba, rangers in the regulation team


Joint interview – Destinée and Josiane, two voices for conservation
What is your role within the Conkouati-Douli National Park?
Our main mission is to raise awareness among local communities about the current conservation rules, particularly based on Law 37 of November 28, 2008. We explain the prohibitions and sanctions related to poaching, illegal fishing, setting traps or cables, and more generally, the best practices to adopt for protecting the environment.
How do you organize your regulation/awareness missions in the surrounding villages?
We always begin with a meeting with the village chief to present our program and set a date for the awareness session. Then, we organize logistics, including accommodation if needed, and we gather the villagers for a group session, often illustrated with educational materials and simple yet precise explanations.
What are the most common infractions found in the park?
The most frequent are the illegal sale of bushmeat, including partially protected species, unauthorized entry into the park, setting traps or wires, and bushfires. These acts are often linked to a lack of knowledge about the law, which makes our role crucial.
What methods or tools do you use to effectively raise awareness among the population?
We mainly use Law 37, which we translate into simple and concrete terms. When possible, we like to use visual aids to support our message. Our goal is to engage in dialogue with the communities, answer their questions, and most importantly, convey the message clearly, adapted to their language and reality.
What specific skills are required to do your job?
Above all, a good understanding of the law is necessary, along with fluency in local languages such as Vili, Loumbou, Kikongo, or French. Being able to communicate pedagogically, listen to communities, manage conflicts diplomatically, and have the art of persuasion are key qualities. Physical and mental resilience are also essential to cope with field conditions.
How do you collaborate with other park teams (monitoring, research, etc.)?
Collaboration is complementary. When we encounter technical or scientific questions beyond our expertise, we relay these concerns to the appropriate teams (research, monitoring…). Even if we are not always in the field together, there is coordination and information sharing.
What motivated you to become a ranger?
Love for nature was our primary motivation. As children, seeing eco-guards pass by fascinated us and made us dream of this profession. Being natives of the park’s villages, we didn’t know much about protected species, and this job has allowed us to learn more and help protect this unique heritage. Awareness work also allows us to be a bridge between the communities and conservation.
What challenges did you have to overcome to enter this traditionally male profession?
The beginnings were tough. We had to prove our worth, both physically and mentally. Walking for long hours in difficult conditions, carrying heavy loads, searching vehicles, facing skeptical looks… We had to earn respect, show patience and perseverance. Training was essential to stay strong. Today, we’ve shown that nature protection knows no gender.
How do your families and loved ones perceive your involvement in nature protection?
It’s not always easy. For our relatives, this job is sometimes seen as an obstacle to traditional activities like hunting or trading. There were misunderstandings, even criticism. As mothers, we also had to convince our families that we could take on this role despite our absences. But today, pride has taken over, especially among our children.
What makes you most proud in your professional journey?
What makes us proud is protecting animals, fighting poaching, seizing traps, and contributing to biodiversity conservation. When awareness changes mindsets, when animals are saved, we know our work is meaningful. We are also proud to represent women’s voices in a field that has long been male-dominated.
What advice would you give to other young women who would like to work in conservation?
Don’t be afraid. This job requires courage, but it’s a passionate career. You need to love nature, accept rigorous training, and believe in your abilities. This is not a job for money, but for a cause. If you have the passion, you’ll find your place—just like we did.
What personal qualities do you find essential in this job?
You must be courageous, disciplined, respectful of rules, a good listener, and highly adaptable. Patience, stress resistance, and honesty are also crucial, especially in the field, where situations can be delicate.
What message would you like to pass on to future generations about protecting forests and wildlife?
Nature is our future. Avoid traps, cables, bushfires, and protect the mangroves, which shelter many species. Don’t forget that trees give us oxygen, and conservation helps pass on a living world to future generations. Now is the time to act, together.